Nathalie Junod Ponsard intervient dans des espaces publics en modifiant l’éclairage. Créant des dispositifs lumineux et spatiaux, elle explore l’influence de la lumière sur notre perception et notre système biologique.
Dans l’installation Refuge existentiel, le travail de la lumière interroge les limites de l’espace et de sa représentation, entre intérieur et extérieur, sphère privée et publique. Des projections de lumières d’une douce intensité chromatique viennent inonder l’espace public, de manière alternative. Provenant des ouvertures vitrées d’une maison suivant un dispositif giratoire, la lumière produit une intermittence invitant à la poursuite du regard. Le mouvement répétitif du rayonnement, l’allumage ainsi que l’extinction du sémaphore sont programmés et agissent comme un repère dans la ville, un phare envoyant des signaux, à la tombée de la nuit. L’éblouissement passager de la lumière en mouvement confère à cette maison choisie pour sa situation dans la ville, un aspect protégé et protecteur. Cette maison de meulières ouverte de tout côté s’anime, d’un crépuscule flamboyant comme résidence privée, vers une aurore pâle, pour devenir maison de la communication de Viry-Châtillon. Interpelés par les faisceaux lumineux, les passants se confrontent à une forme d’illusion, d’intérieur habité et éclairé sans âme qui vive. L’occupation de l’espace public aux horaires de nuit transforme la perception que l’on a de cet espace, le passant regardant à travers la fenêtre. L’espace intime d’un intérieur prend l’allure d’un décor, espace en profondeur reconstruit par les plans successifs de lumière et modelé par des glacis de tons chauds. Très vite, ce regard légèrement intrusif change de cap, rejeté par le retour d’un éblouissement momentané. Comme un mirage, l’approche de ce refuge urbain se fait expérimentation de la lumière, les émissions alternatives de celle-ci créant des perturbations, allant jusqu’à inverser les repères de l’éclairage public.
Dans l’installation Waiting Area, ce sont les effets physiologiques et psychotropes de la lumière que Nathalie Junod Ponsard met en jeu. L’Espace culturel du Moulin des Muses de Breuillet est saturé de lumière d’un bleu indigo-violet profond. Le temps de l’exposition, visiteurs ou employés du soir se retrouvent à vivre dans un bleu nuit méditatif. Selon les termes de l’artiste, ce bleu est abordé comme une coloration maximale du site, il absorbe l’intensité lumineuse du lieu comme pour l’inspirer à nouveau. Elle a transformé l’espace culturel en un volume monochromatique en modifiant à la fois l’intensité et la couleur de l’éclairage existant. En occupant un espace en activité, elle transforme l’espace du quotidien en lieu de représentations. Uniformément répartie, la couleur délimite un espace enclavé, à l’intérieur duquel l’expérience est vécue la nuit tombée ou perçue jusqu’à l’aube, à travers la verrière de la façade. Grâce à une parfaite maîtrise du médium de la lumière, l’artiste utilise des longueurs d’ondes précises et appropriées pour produire cet effet d’éclairage, très localisé, volumétrique, environnemental. L’artiste parle de seconde peau appliquée à l’espace pour définir un bain de lumière d’un effet chromatique produisant une immersion totale du visiteur et un trouble de sa perception. La lumière est non seulement matériau travaillé mais aussi couleur agissant comme énergie. Si le vert est insomniaque et le rouge euphorise (1) en référence à l’installation Deep water réalisée dans la piscine Pontoise à Paris en 2002 pour la première Nuit Blanche, le bleu calme, agit ici, comme un tranquillisant. Le visiteur est métamorphosé physiologiquement comme sous sédatif. Baigné dans un bleu profond, d’une tonalité assez sombre, il perçoit le temps ralentir, ombres et silhouettes traversées d’une immobilisation temporaire. La lumière d’ordinaire source d’énergie festive et dynamisante, trouve ici son effet inversé, comme sur une aire de ralentissement. Comme l’indique le titre Waiting Area, l’espace est temporisé, l’installation impatientant la fonction du site.
(1) Installation Deep water (Piscine Pontoise, première Nuit Blanche, Paris, 2002)
Karine Maire
Docteur en Sciences Humaines, titulaire d’une thèse en Arts et Sciences de l’Art sur le processus de création de l’oeuvre in situ.
Biennale La Science de l’art, Essonne : REFUGE existentiel (Installation, Viry-Châtillon, 2011) et Waiting Area (Installation/Environnement, Breuillet, 2011)