Avec la lumière comme véhicule exclusif de ses œuvres, Nathalie Junod Ponsard nous projette dans des expéditions spatio-temporelles dont les destinations sonnent comme de captivantes promesses. « Capsule Hypnotique », « Errance Verticale » ou « Horizon flottant »… sont au programme de cette œuvre hypnotique que l’on peut situer à la croisée de multiples courants. Colored Field Painting, Abstraction géométrique, Light & Space, Land Art, et Minimal s’y retrouvent en filigrane sans qu’on ne puisse néanmoins limiter ce travail à un courant passé ou présent.

Car, dès ses débuts à la fin des années 1980, l’artiste a inventé son propre langage artistique : espace, volumes géométriques, lumières et couleurs, mouvement et reflets s’y conjuguent à l’infini dans des architectures à très grande échelle, ou à travers des sculptures et des installations de format plus modeste. Cette œuvre contemplative voire atmosphérique où les paysages intérieurs se mêlent aux mondes extérieurs, rayonne d’ailleurs internationalement. Nathalie Junod Ponsard a laissé sa trace dans de grandes villes dont Pékin, Hong Kong, Tanger, Rome, New York ou Los Angeles. Chaque fois ses œuvres modifient les perceptions de chacun, brouillent les perspectives des édifices, adoucissent les contours des objets, accentuent les volumes spatiaux et font vivre des expériences physiques ou mentales. Les espaces se revêtent d’une nouvelle peau que l’on parcourt dans un état semi-conscient. 

Que ce soit l’impressionnante piscine de Pontoise à Paris ou le site du Jantar Mantar à New Dehli en Inde, du bâtiment de la Maison Hermès à Barcelone (Œuvre permanente dans le Fonds de Créations Contemporaines Hermès, 2022), à un espace polyvalent du Centre Pompidou, et jusqu’à l’Escalier d’Honneur du Palais de l’Elysée dont elle a composé l’œuvre-tapis Odyssée, une commande du Mobilier National, c’est toujours d’une même énergie onirique que l’artiste entoure les lieux. Elle crée ainsi des ambiances inédites baignant les sites dans une sorte de gaz ou d’éther provoquant des sensations tel l’anesthésie, le vertige, l’éblouissement, (…) dans une dimension performative.

Un sfumato parfaitement maîtrisé qui ne cède rien au hasard dans la conception d’œuvres qui résultent toujours de savants calculs, d’analyses poussées de l’espace, comme d’une connaissance de la physique et de la biochimie. C’est dans cet esprit que dans la Maison Poincaré, le récent musée des Mathématiques, elle a déployédeux œuvres sculpturales et organiques composées de gélatine chromatique qui ondoient, vibrent et réfléchissent l’espace et la lumière dans d’infinies variations tel un mirage.

Autre matière à réflexion, le verre qui, avec ses transparences et ses reflets colorés, compose des œuvres telles que « Light Under Skin », des panneaux de verre et de lumière, exposés en 2023 à la Biennale Jinji Lake de Suzhou en Chine. Quant à « Substance » que l’on a pu découvrir au fil des espaces de la Maison Louis Carré en 2022, ce sont des sculptures aux formes galéniques et ovoïdes.

Cette fois, c’est au cœur de la maison Triolet-Aragon, dans le foyer même qui abrita l’amour incandescent de ce couple mythique de la littérature, que l’artiste nous plonge dans « Un reflet d’incendie ». Le titre de l’exposition rend hommage à un poème de Louis Aragon tiré du célèbre recueil « les Yeux d’Elsa » (1942). Sur les lieux-même de cet ancien moulin, le ruissellement d’une étonnante cascade crépite au centre du salon comme le ferait un feu ardent. De cette source jaillissante aux multiples reflets, créant une sorte d’osmose entre les éléments « eau » et « feu », Nathalie Junod Ponsard nous offre une traversée dans un lieu intime où on se laisse inonder par les sensations.

A travers des installations spécialement conçues pour les lieux, en gélatine colorée, des sculptures de verre aux formes sensuelles, l’artiste nous invite à explorer la densité des lieux. De la cuisine à la chambre des célèbres amants, en passant par le bureau d’Elsa, Nathalie Junod Ponsard nous invite à nous promener sur les longueurs d’ondes partagées par deux êtres lumineux. Elle ravive la flamme de ce couple mythique qui ne se sépara qu’à la mort d’Elsa, le 16 juin 1970, marquant ainsi à jamais le calendrier des lieux.